Des Canaries au Cap Vert
Nous avons passé un super séjour sur la Gomera et El Hierro. Comme nous le découvrirons avec Laure et les filles plus le bateau descend en latitude Sud, moins le stress semble atteindre les habitants. Nous y avons, entre autres, beaucoup randonné, marché sur les traces des célèbres Silbo, mangé du « BAIFO » spécialité à base de chèvre et de manioc ; nous aurons été témoins des problèmes migratoires d’El Hierro, ile la plus au sud de l’archipel. Les habitants y déploient une énergie incroyable pour accueillir certains jours une dizaine de pirogues remplies de migrant en provenance d’Afrique de l’Ouest. Encore une fois, nous le savions, mais le voir de nos propres yeux rendent les choses très différentes de ce que l’on peut lire dans le journal ou regarder sur nos TV.
Nous en profiterons également pour visiter les parcs naturels volcaniques des deux îles ce qui permettra aux filles d’appliquer encore une fois un peu l’école. Pas mal de natation/snorkeling avec de très gros progrès chez les matelots.
Encore une fois, des guides touristiques sont très bien foutus si vous souhaitez visiter ces iles protégées du tourisme de masse.
Ce séjour sera également marqué par la mort de mon oncle Vincent de qui j’étais très proche. Il n’aurait pas souhaité que je rentre et je resterai donc auprès de ma petite famille. J’enverrai un petit mot pour son enterrement que ma mère lira au cimetière « goodbye farewell Tonton ».
Lundi 24 septembre : départ pour le Cap vert. Contrairement à ce qu’on nous avait dit, nous aurons largement trouvé de quoi avitailler sur l’ile d’El Hierro du moment qu’on mange local. Les pleins d’eau et de Gazole sont fait également. Bien évidemment le Capichef a pris soin de charger quelques doses de courage à bord de la distillerie locale Arehucas.
740 Miles Nautiques à parcourir pour AORE et son petit équipage, une place pour chaque chose et chaque chose à sa place, vous commencez à connaitre le dicton. On raconte souvent qu’un bateau à couler car la boite d’allumettes n’était pas rangée à sa place pour ceux qui ont la référence. Je rassure mon petit équipage pour cette navigation de 5 ou 6 jours qui est connue pour être ventée et agitée. Le bosco n’est pas rassuré de partir sans téléphone satellite mais je trouve dommage d’activer l’iridium pour une semaine de traversée, si une grosse dépression tropicale venait à se former, je l’aurai vu à une semaine. Beaucoup d’équipage me demande pourquoi nous n’avons pas Starlink. Simplement parce que je ne peux pas m’encadrer le patron de Tesla et de space X et que nous ne lui donnerons jamais un centime de rouble.
Un petit vent frais nous attend à la sortie du port, nous profitons donc avec Bosco du calme de l’avant-port pour hisser la grand-voile à un ris, le foc de brise, on coupe le moteur, on descend l’hydro générateur et zou nous voilà parti pour le Cap Vert le fameux archipel de la Sodade dont Cesaria Evora est l’ambassadrice. Le bosco n’est plus malade maintenant avec son médicament, Lilou elle ne vomit plus que quelques fois mais s’est bien habituée, quant à Eléa, c’est encore un peu compliqué mais cela sera la dernière fois. Mon petit équipage est maintenant aguerri et ne sera à partir de maintenant jamais malade.
Mardi 24 septembre AORE file dans la nuit avec des bons surfs à 11 12 nœuds. Vers 1h du matin après un bon départ au lof, les alarmes de la centrale de navigation retentissent. Nous avons perdu Joseph (le pilote automatique). Je me précipite à la barre tout en réveillant bosco qui dormait tranquillement avec petit matelot. Elle va devoir barrer de nuit dans des conditions pas simples au compas. Une fois, le bateau relancé sur sa route et le Cap donné au bosco, me voilà en train d’essayer de prendre du recul sur la situation (pas simple) pour trouver la panne. La centrale étant encore sous tension, la panne vient forcément de la rampe NMEA et sur ces bateaux, des sondes, il y en a un paquet (capteur inertiel, calculateur pilote, anémo, girouette, sonde, loch, afficheurs et j’en passe). Après avoir ouvert le coffret électrique, je trouve le fusible de la rampe grillé. Je décide de débrancher tout ce qui ne m’est pas utile et je garde uniquement le calculateur, le capteur inertiel de Joseph, et un gps. Je change le fusible et « o miracle » Joseph revit en mode dégradé car il lui manque des infos mais il est de nouveau parmi nous. Je rassure le Bosco (qui au passage a bien assuré). Je lui dis que ça va aller mais je n’emmène, au fond de moi, pas large. Le vent est soutenu, la mer plutôt forte, revenir au pré dans ces conditions sur El Hierro je n’y pense même pas et sans pilote au portant ça va vite être la galère même en se relayant avec le bosco. Les matelots n’ont pas encore ni la force physique de barrer ni les connaissances nécessaires. À ce moment précis, je ne suis pas encore sûr d’avoir bien ciblé la panne et j’ai conscience que cela peut redisjoncter à tout moment. Ça mouline fort dans ma petite tête, j’ai la responsabilité de l’équipage, si jamais le fusible répète… Combien j’en ai … Je liste tous les fusibles présents dans le bateau que je pourrais cannibaliser, au final j’en ai 1/jour pas un de plus. En cas de grosse galère, pas beaucoup d’endroit pour m’arrêter. Je propose Nouadhibou en Mauritanie au Bosco ce qui perso ne me déplairait pas au final (j’adore les ports de pêche africain) mais son regard me fait comprendre instantanément que je me démerde mais je nous amène au Cap-Vert. On calme le jeu pour la fin de la nuit, on prend le 2e ris, AORE se calme mais je dois avouer que malgré quelques doses de courage canariennes pour me remettre de mes émotions je ne passerai pas une très bonne nuit.
Mercredi 25 septembre : Joseph tient et tiendra jusqu’à la fin de la traversée. Petit échange à la VHF avec Bruno et Ségolène qui ne doivent pas être trop loin (portée d’une vhf environ 20 miles). C’est toujours sympa de savoir qu’on n’est pas tout seul. 2 vagues plus grosse que les autres nous bousculerons dans la nuit et me rempliront copieux le Guy Cotten.
Jeudi 26 septembre : RAS Les manœuvres de voile s’enchaine la mer se calme, un oiseau vient se poser sur le bateau après plusieurs approches. Les filles sont trop contentes d’avoir un nouveau membre d’équipage. D’expérience je sais qu’un oiseau à bout de force qui se pose sur un bateau comme ça au large a de grande chance de passer l’arme à gauche. Il me tiendra compagnie pendant la nuit puis tombera raide mort au petit matin. Petit rappel sur la nature qui peut être aussi magnifique que cruelle. Nous croisons beaucoup de bateaux usines de pêche chinois qui pillent littéralement les eaux poissonneuses de la Mauritanie. Nous le savions déjà mais encore une fois le voir de nos propres yeux c’est très différent. Beaucoup de prières en Arabe également sur le canal 16 de la VHF ça par contre je n’avais jamais entendu et c’est une première. Nous sommes pourtant à 200 miles au large des côtes et nous croisons quelques pirogues.
Vendredi 27 septembre : Le vent et la mer se calme, nous croisons des cachalots avant la tombée de la nuit. L’équipage est à fond. Les matelots enfilent leur gilet et filent à l’avant du bateau. Elles voudraient que je m’approche plus mais je trouve que l’on est déjà largement assez prêt… et si par malheur je percute un petit … bref les responsabilités du Capichef qui des fois passe pour Monsieur grognon.
Samedi 28 septembre RAS Le vent et la mer deviennent définitivement calmes, tout va pour le mieux à bord.
Dimanche 29 septembre : BEM VINDO à Cabo Verde, pays du « No Stress » félicitations à mon petit équipage. Après 6 heures de risée Volvo nous voilà en approche de l’ile de Sal. Le jour se lève pile pour notre arrivée au village de Palmera. Nous jetons l’ancre dans la caillasse, je descends en apnée pour la coincer dans un caillou histoire de dormir sur mes deux oreilles. Des bulles forcément pour fêter ça, puis Gros nettoyage d’AORE qui en a un peu chié, je dois l’avouer sur cette traversée. Tout est super humide et rempli de sable du Sahara.
Que dire de notre séjour au Cap Vert. Tout l’équipage a adoré. Nous avons fait les iles de Sal, Boa Vista, Sao Nicolau, Sao Vicente et Santo Antao. Nous avons rencontré beaucoup de monde durant ces 2 mois où nous sommes volontairement restés un peu hors réseau. J’en profite pour m’en excuser auprès de ceux qui attendaient avec impatiente de nos nouvelles et qui n’ont pas accès à l’instagram du Bosco.
1er semaine d’Octobre : Nous sommes restés environ une semaine sur l’ile de Sal. Nous y avons fait notre clearance qui nous a tout de suite mis dans le bain. Nous avons attendu avec les forces de l’ordre 1h30 que l’employé de ménage nettoie leur bureau. Ici, on a le temps et on discute dans toutes les langues. Impossible de faire 30m sans qu’une personne avenante souhaite discuter avec nous. On change vraiment de rythme et de mode de vie également. Finit l’accès à l’abondance de l’occident. La gentillesse des habitants toujours prêts à nous aider dans notre voyage nous touche énormément. Nous prenons nos premiers Aluger (camionnette ou pickup toyota où nous montons des fois à une quinzaine) que nous payons environ 50cts/pers , certains ne nous feront même pas payer pour les enfants. Super manière de découvrir les îles. Nous rencontrons Denis sur LANIAKEA un feeling 35 et nous rejoignons ANKA. Une fois en règle, nos passeports tamponnés, accompagnés d’un visa de 3 mois, nous descendons sur l’ile de Boa Vista.
De mi-octobre à mi-novembre : Changement de décor, bien qu’également pas mal désertique, la face nord de Boa Vista touche quelques précipitations. Il y avait un puit dans le milieu de l’ile au village de Rabil, mais il ne donne plus. Aujourd’hui, comme sur Sal la grande majorité de l’eau est dessalée. Le sud de l’ile lui est complétement désertique. Pas grand-chose peut y survivre même les chèvres et les ânes succombent certaines années. Sal Rey, la capitale est magnifique tout du moins l’ancienne ville. Remplie de maisons et de petits immeubles colorés. Ses rues pavées, son marché au poisson et surtout sa baie incroyable abritée des Alizés, refuge parfait pour nos voiliers. Nous décidons par ailleurs avec Laure d’y rester un mois complet. La baie est poissonneuse, les filles apercevront tortue et requins, pêche à la traine avec BOUM notre annexe à voile et chasse sous-marine dans l’épave d’un vieux vraquier de 80m. Les Chinois sont très présents sur l’ile également, c’est eux qui possèdent tous les commerces. Nous nous faisons pas mal de copains bateau et quelques amis cap-verdiens. Nous passerons de supers soirées arrosée de Grog (rhum local largement valable contrairement à ce que peuvent dire les mauvaises langues, il est produit sur l’ile de Santo antao à bas de canne). Nous accueillerons d’ailleurs Alice et Max sur cette île, qui nous ramèneront de notre cher pays Quantité de bons produits que nous ne trouvons plus depuis un moment, vive le gras. Confits, foies, saucissons, fromage et j’en passe… Le capichef qui a perdu plus de 10 kg depuis le début du voyage en profite pour se remplumer un peu. Mille mercis à vous deux de nous avoir rejoint durant notre voyage.
Mi-novembre à fin Novembre : Nous avons ensuite pris la mer pour Sao Nicolau où nous rencontrons l’équipage de NAONED, Gwen Alice et David, 3 ingénieurs qui bossent pour les chantiers de Saint Nazaire. Fin des iles désertiques, nous randonnons maintenant dans une nature Luxuriante. Maël que nous avons rencontré sur Boa vista est des notres également tout comme ANKA et LANIAKEA.
Début Décembre : Il est déjà l’heure de bouger pour l’ile de Sao Vicente et sa capitale Mindélo, seule marina de tout le Cap-Vert. Retour à la ville pour entretenir et réapprovisionner AORE. Retour à la « vrai vie », pas évident pour ANKA et LANIAKEA également. Ici finit les petites îles où nous vagabondions avec les locaux. Cela fait tout de même plaisir de retrouver toutes les facilités d’une marina et d’un aéroport à proximité. Mes parents nous rendent visite avec tout un tas de pièces pour AORE ainsi que pleins de bons produits. Nous laissons AORE au port et prenons le ferry car nous avons loué un gite sur l’ile de Sao Antao où le mouillage est précaire. Nous passerons quelques jours à randonner dans la vallée de Paul. Super cool de revoir un peu la famille pour nous et pour les filles.
Une fois de retour au port, les matelots se font beaucoup de petits copains copines sur les pontons ça fait plaisir. De notre côté, nous continuons les réparations et l’avitaillement en vue de la transatlantique. 3 mois qu’AORE n’avait pas vu un port ni d’eau douce, quasiment 3000MN parcourus depuis le mois d’Aout, inutile de vous dire qu’il a quand même pas mal ramassé.
Mes parents ont pris un gite à côté de la marina et nous accueillons maintenant mon Oncle Jean Luc et mon pote Renaud qui vont nous accompagner pour notre transatlantique. Eux aussi arrivent avec leurs lots de pièces en tout genre et de bonnes choses bien de chez nous…
Quel périple ! Merci pour ce partage d’un véritable carnet de bord plein d’aventures et de découvertes! Grosses pensées pour Uncle Vinz qui vogue désormais avec vous et vous gratifie certainement d’un vent plus que favorable. Huuu! Ça fait très plaisir de lire vos péripéties 😊 on voyage ainsi un peu par procuration. Pensez à la chance que vous avez su vous créer …. Certains (dont je tairais le nom) travaillent du soir au matin dans une tour et dans la froidure hivernale luxembourgeoise. Pour vos deux petits matelots c’est l’aventure d’une vie ! Ce sera hyper fondateur. Ne dit-on pas: les voyages forment la jeunesse? Tous les meilleurs vœux pour cette année qui s’ouvre, encore merci de partager avec nous votre incroyable aventure, portez vous bien et au plaisir de lire à nouveau votre journal de bord ! Bises à tous 😘
Cc Laure et sa famille, Tout d'abord nous vous souhaitons une très bonne année à tous les quatre et surtout une bonne santé ainsi que beaucoup de bonheur. On se régale chaque fois de vous lire. On voyage un peu avec vous, c'est super. Dans l'attente d'autres nouvelles, on vous souhaite bon vent dans votre périple si formidable. Gros bisous Carole
Bravo et merci pour ce partage, comme si on y était! Profitez encore bien tous les 4. Gros bisous
Je viens encore une fois de boire tes paroles ! Quel plaisir de vivre un bout de votre aventure avec vous les amis ! Bravo Cédric pour tes talents d'écrivain ! Un don de ton oncle Vincou probablement ;-). Hâte de lire l'article sur la traversée ! Bisous à vous !