De Madère à la Gomera

Lundi 26 aout 2024 départ pour les Canaries

Un dernier petit coup d’œil à la météo pour contrôler qu’il n’y ait pas de catastrophe à l’horizon. En gros le vent d’Est Nord Est entre 15 et 25 nœuds ne me préoccupe pas plus que ça il est parfaitement orienté (on devrait être entre 100° et 120° du vent), on devrait donc marcher autour de 7 nœuds.

En revanche la houle de 2 à 3 mètres à l’air bien merd… croisée avec une mer de vent assez degu….

Je ravitaille en dose de courage et, pour éviter tout incident diplomatique j’avertis mon équipage qui ne faudra pas trop forcer sur le repas du midi. Le Bosco qui commence à me connaitre colle instantanément un patch derrière sa petite oreille gauche d’un médicament sensé être miraculeux.

Nous rangeons le bateau (chaque place pour une chose et chaque chose à sa place comme on dit dans le jargon) pour cette « petite traversée » de tout de même 275 MN. Par un calcul d’une complexité inouïe j’arrive à la conclusion que si nous larguons les amarres vers 15h heure local soit 16h UTC nous arriverons sur la petite île de la Graciosa pour le levé du jour.

Pas mal de vent rentre dans le port. Le Bosco préfère se mettre à la barre plutôt que de pousser le bateau sur le côté tout en se suspendant au balcon et rejoindre le bord (les amis proches et les compagnons d’apéro savent que j’ai quelques petits antécédents là dessus…).

Le Capichef donne ses instructions ou plutôt se permet de donner quelques petits conseils sur la manœuvre qu’il aurait employé pour sortir de cette place de port pas évidente. Sur ce magnifique départ en marche arrière, j’évite donc soigneusement de m’en briser une sur l’étrave tout en propulsant le bateau sur le côté pour que le Bosco en repassant la marche avant passe pile poil entre un catamaran de charter et une goélette. La manœuvre passe au poil même si je pense que le Bosco à frôlé d’un poil (allez j’exagère 2 cm) le bout dehors du catamaran. L’équipage du charter félicite le Bosco Well done cette traversée s’annonce bien.

A l’Est de Madère se trouve les îles Désertas. Elles sont piles sur la route des Canaries et pour ne pas être déventé je choisis de passer au vent de celles-ci. Le vent est donc présent mais hélas la houle également. Instantanément tout mon équipage se trouve allongé au pied de mat et commence à rendre le repas de la veille. Vive la voile.

Blagues à part à ce moment-là, je dois avouer qu’il est difficile pour moi d’observer ce spectacle car j’ai l’impression d’imposer une vie à mes filles qu’elles n’ont pas choisie. Nous aurons eu quelques doutes sur notre nouveau choix de vie avec Laure mais ils se seront vite estompés. C’est vomito sur vomito au point que j’ai du mal à suivre la cadence avec la bassine et le bateau qui de temps en temps a besoin de moi quand même. Le bosco lui est inopérant et allongé aussi mais grâce au médicament miracle ne vomit pas c’est déjà ça. Je ne fais pas trop le malin non plus parce qu’entre mes entrées sorties dans le bateau et les bassines de vomito à évacuer je ne suis pas au mieux. La nuit se passe sans encombre. Je dors comme un gitan sur le plancher car mon équipage a pris tous les coussins et petite couverture. Etant trempé je ne peux pas faire mes siestes dans la cabine, et un voilier marchant un peu moins vite que nous devant m’oblige à me réveiller régulièrement au cas où nos routes se croiseraient.

Le plus grand des matelots, Éléa est le plus touché par le mal de mer (il le sera d’ailleurs encore 12h après notre arrivée. Je pense que de passer du temps au soleil sur le pont ne lui a pas réussi non plus). Le bosco et le 2e matelot commencent à aller mieux dès le milieu de journée et s’envoient des portions de nouilles chinoises. Lors d’une de mes rondes sur le pont je vois dans le lointain un relief sombre dans mon sud. Je trouve étrange d’apercevoir une des îles Selvagem qui sont pourtant dans ma tête à environ une quarantaine de miles nautique et qui n’ont que peu de relief. Au fur et à mesure cette ombre se rapproche de nous ce n’est donc pas une île. Deux heures plus tard je distingue la forme géométrique d’un porte container. Il est immense je n’ai jamais vu ça je descend voir L’AIS (automatic identification système) sur la centrale de navigation il s’agit du Busan express 400m de long par 61m de large 17m de tirant d’eau et une vitesse de 16 nœuds. C’est complétement démentiel. Je ferais en sorte de passer juste derrière pour montrer à l’équipage ce colosse un Suezmax appartenant à un armateur Allemand Hapag-Lloyd encore plus gros que l’ever given qui avait bloqué le canal. Cela me permet d’expliquer un peu aux matelots le commerce maritime.

En gros je leur explique que des grosses boites remplies de chinoiseries remontent depuis le Cap de bonne espérance (compliqué suez en ce moment) sur cette magnifique œuvre flottante pour tout décharger dans les ports du nord de l’Europe. Le tout en leur expliquant la route sur une carte marine. C’est quand même sympa d’appliquer un peu l’école.

Le vent va forcer durant la nuit je vais prendre deux ris dans la grand-voile et faire 3 tours dans le génois. Je n’aime pas trop prendre des tours d’enrouleur mais je me dis que 3 ce n’est pas trop abusé à cette allure de portant et j’ai la flemme d’envoyer le foc.

Avant de partir nous avons essayer d’avoir une place dans le petit port de la Graciosa mais comme ils ne veulent pas de nous, on ira donc jeter notre ancre à « Playa Francesca » puisque là, après tout, c’est un peu chez nous.

Mercredi 28 aout le jour se lève et devinez quoi Isle en vue, qu’il est fort ce capichef. L’équipage est heureux d’apercevoir notre nouveau refuge, le vent faiblit donc pas d’arrivée classe à la voile on fera comme tout le monde au moteur. Nous mouillons par 7 à 8 mètres de fond vers 9 heures. J’ai pris pour habitude si y’a de la place de bien enterrer l’ancre dans le sable soit avec le bateau en marche arrière soit en apnée et de bazarder les 50m de chaines. J’ai envie de dormir sur mes deux oreilles et aux canaries le vent souffle souvent fort sous le vent des iles. Pas grand monde au mouillage nous sommes 3. Il parait qu’il faut une autorisation pour jeter l’ancre ici dans cette eau limpide. Je me suis donc autorisé à jeter l’ancre ici.

Éléa restera au lit encore malade jusqu’à midi puis commencera à aller mieux. Lilou, elle mangera des pates chinoises, son nouveau plat favori au petit déjeuner puis jouera toute la matinée. Le midi comme promis aux filles Hamburger maison. Bosco récupère et nous hissons le drapeau des canaries avec les filles sous la barre de flèche tribord. Le soir venu des bulles bien sûr. Nous faisons ça sur le bateau à chaque « traversée » qui nécessite plus d’une nuit en mer.

Nous passerons 3 belles journées sur cette île, nous y ferons de la randonnée avec les filles, du snorkeling et de la plage. N’oublions pas non plus l’école le matin et les divers bricolages. L’ile est sauvage avec très peu de constructions. C’est très sec il ne pleut jamais ici, il faudra attendre la Gomera et El Hierro avant de voir un peu d’eau qui sort d’autre chose que des dessalinisateurs.

Très peu de monde à part les catamarans de charters qui débarque avec plein de touristes tout rouge ayant imbibés des doses de courage à outrance. Ils restent entre 13h et 15h et le mouillage retrouve tout de suite son calme le reste de la journée.

Samedi 30 aout nous appareillons pour Lanzarote et sa capitale : Arecife.

Nous remontons le chenal entre la Graciosa et Lanzarote au pré sous foc de brise et un ris. Le Bosco est à la barre, il progresse de plus en plus mais n’est pas trop fan de cette allure ou le bateau gite et tape un peu. Au niveau de la pointe nord de Lanzarote on affale le foc et on envoi le génois en lâchant le ris de la grand-voile. Le port d’Arrecife ne veut pas de nous. J’ai remarqué il y a quelques temps déjà un petit mouillage soi-disant « VERBOTEN » sur les guides. Il s’agit de s’abriter derrière la vieille digue du « CASTILLO DE SAN GABRIEL » qui a été construite sur une presqu’île de lave existante, emplacement magnifique en plein centre-ville que demander de mieux. Il a été construit par les mangeurs de tapas afin de défendre l’ile des attaques de pirates. Mouillage sympa avec entre autres visite de la citadelle, de ses canons et des multiples bassins où il est facile d’imaginer les terribles batailles qui ont eu lieu sur ce site.

Nous appareillons ensuite pour le sud de l’ile direction la marina de Rubicon à côté du mouillage de Papagayo où nous avons trouvé une place pour la nuit. Navigation sympa au vent arrière à l’abris de la houle où un petit thon voudra bien mordre sur une des deux lignes de traines. Il parait qu’il faut une autorisation pour pêcher à la traine aux canaries du coup vous connaissez la suite, j’ai autorisé le Thon à monter à bord. C’est le premier port qui veut bien de nous aux canaries. Arrivée autorisée après 12h et départ le lendemain avant 11h ça ne rigole pas ici. Du coup branlebas de combat tout l’équipage participe machine à laver le linge, courses, réparation diverse, plein d’eau on s’active. Les filles profitent de la piscine de la marina grand luxe. Elles y retrouvent Alix une copine bateau rencontrée à Madère. Son père et un ami à lui viendront ensuite prendre quelques doses de courages au bateau puis finalement resteront manger des pates carbos accompagnées de jus de raisin fermenté avec nous.

Lundi 2 septembre nous appareillons pour la petite ile de Lobos. Son nom lui fut attribué au 15e siècle quand les phoques moines y vivaient encore(voir les statues sous les fesses des filles). En plus de posséder un très jolie mouillage cette ile est connu pour son spot de surf, une longue droite qui démarre de la pointe nord en face du moulin des salières. Toute petite navigation tranquille de 6 miles, on y mouille par 8 à 9 m de fond dans une eau incroyablement transparente. L’ile est maintenant classée en réserve naturelle, elle est incroyablement poissonneuse et les filles de plus en plus à l’aise en snorkling observeront divers poissons perroquets, sars, tarpons, carangue, raies, requin nourrice…

Je rencontre Chris un matin en partant surfer. Il est allemand, a son bateau aux Canaries basé sur Arrecife. Quand il ne travaille pas, il voyage en alliant la voile aux sports de glisse. Bien que courte ce fut une très belle rencontre. Le gars est super sympa, toujours motivé, encourageant et respire la joie de vivre. Des mecs comme ça il en faudrait beaucoup plus. En plus d’après le Bosco c’est un Beau Gosse.

En parlant du bosco il a un gros coup de blues. Elle reste éveillée le soir et ne dors pas bien malgré sa fatigue. Elle se remet énormément en question sur l’éducation des filles, sur notre nouveau choix de vie, elle a un peu le vertige quand elle visualise les « années à venir ». Nous passerons quelques jours à discuter et à essayer de prendre du recul sur l’aventure qu’on vient de lancer. Je dois avouer que moi aussi dès fois je trouve le dossier bien ambitieux et il semble normal après tout de douter un peu. Comme dit Ellen « si vos rêves ne vous font pas peur, c’est qu’ils ne sont pas assez grands »

Le Jeudi 5 septembre nous avons décidés d’appareiller pour l’ile de la Gomera l’ile où les humains sifflent aussi. Sur les conseils de Chris qui connais bien le coin je décide de remonter au-dessus de la pointe nord de Fuerteventura puis cap au 250 en passant entre Grand Canaria et Tenerife. Pour les voileux qui lisent ses lignes un Sun Odyssey 410 flambant part en même temps que nous du mouillage. Le mec a l’air chaud pour en découdre, cela me permet de montrer que malgré ses 40 ans Aoré en a dans le ventre. Je borde, je règle les chariots, les chutes, les bordures et on se lance. Ca tape ça gite, bizarrement les petites au pré ne sont jamais malades et rigolent à chaque impacte de l’étrave dans la houle et à chaque projection d’eau sur le pont. Nous passons la pointe un bon demi miles devant lui avant d’abattre toute voile dehors trop bien. Je suis fier de mon rafio c’est vrai qu’on a presque le même âge tous les deux et je me dis qu’on tient encore la route ou plutôt la mer…

Bon maintenant on est portant et tout mon petit équipage sombre au fond du bateau. Comme d’habitude aux Canaries, entre les îles le vent souffle bien 25 nœuds et on prend 2.50 à 3m de houle par le travers. Pas de voilier avec nous pour la nuit mais beaucoup de trafic commercial inter-ile cargos tankers et quelques pécheurs donc pas beaucoup de sommeil pour moi cette nuit. Au petit matin Laure prend le relais jusqu’à la Gomera. L’avant-port est impressionnant car deux vedettes rapides de tenerife s’amarrent ici en journée. Nous suivons le petit chenal matérialisé par des bouées jaunes jusqu’à l’entrée du petit port de la Goméra. Nous sommes accueillis par un Marinéro super sympa qui nous souhaite la bienvenue sur son île. Gabin un petit jeune de 11 ans qui vit sur le bateau ANKA sur le ponton en face du notre est déjà là pour jouer avec les filles. En effet en voyage on ne croise pas forcément beaucoup de famille. Les enfants vont très bien s’entendre pendant le séjour, Gabin randonnera même avec nous quelques fois, nous servira de guide également car il est là depuis un petit moment déjà. Nous rencontrons également Ségolène et Bruno sur un Garcia en Alu, deux Français très sympas avec qui nous allons sympathiser et que nous rejoindrons par la suite à El Hierro. Nous partirons également le même jour qu’eux pour le Cap Vert le mardi 24 septembre.